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Prince du Fleuve Congo
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21 décembre 2005

Edito de Baudoin Wetshi : Référendum constitutionnel en RD Congo

Une consultation populaire aux allures de hold-up électoral

Les électeurs congolais ont voté dimanche sans connaître le contenu de la Constitution soumise à leur sanction. Pire, la version qui a fait l’objet du vote ne serait pas identique à celle qui a été éditée par la Commission électorale indépendante, dixit Olivier Kamitatu.   

« C’est un moment historique mais il se pose un problème de fluidité. Tout n’est pas encore organisé de manière rapide ». Cette déclaration a été faite, dimanche 18 décembre depuis Kinshasa, par la sénatrice Joëlle Milquet, présidente du CDh (Centre des démocrates humanistes). La dame de fer de l’ex-parti social chrétien fait partie d’un groupe d’une dizaine de parlementaires belges qui sont arrivés, vendredi 16 décembre, en RD Congo en vue d’observer le déroulement de ce premier scrutin au nom de l’Association des parlementaires européens pour l’Afrique (Awepa). Devant la camera de la télévision commerciale RTL-Tvi, le numéro un du CDh manifestait une certaine inquiétude devant les longues files d’électeurs devant les bureaux de vote. Cette lenteur des bureaux de vote ne présente qu’un aspect anecdotique  à côté d’une question fondamentale :  quel est le projet de Constitution qui a été soumis au verdict du corps électoral congolais ? Est-ce la version « vulgarisée » par la Commission électorale indépendante (CEI) ou la  « traduction toilettée » ? Version toilettée par qui ? Voilà trois questions qui ne risquent de déteindre sur la validité du suffrage exprimé. Dans une interview accordée au quotidien « La Libre Belgique » du week-end, le président de l’Assemblée nationale, l’ex-MLC Olivier Kamitatu, soutient le plus sérieusement du monde que le texte présenté au referendum n’est pas le même que celui qui a été imprimé - à 450.000 exemplaires - par la CEI.

Toilettage

Selon lui, les articles 78 et 139 du projet initial ont été purement et simplement modifiés « lors du toilettage » précédant la publication du texte. Dans sa version éditée par la CEI, la Constitution prescrit ce qui suit à l’alinéa 1er de l’article 78 : « Le président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci ». Selon Kamitatu, cette disposition aurait été amputée des mentions « après consultation de celle-ci ». Par ailleurs, l’article 139 originel donnait concurremment, au président de la République, au gouvernement  ainsi qu’à un dixième du nombre des députés ou sénateurs, le pouvoir de saisir constitutionnelle d’un recours visant à faire déclarer une loi à promulguer non conforme à la Constitution. A en croire « Olivier », dans la nouvelle version, le « gouvernement » a été remplacé par le « Premier ministre ». Ces modifications ont-elles été effectuées par les personnes habilitées ? Les conditions de forme, notamment la publicité, ont-elles été observées ? Pourquoi ces révélations ont-elles été faites seulement à quelles heures des élections ? Pourquoi le président de l’Assemblée nationale a-t-il préféré s’exprimer à l’étranger ? Quelle est la valeur juridique d’un tel scrutin ? Il est difficile, à l’heure qu’il est, de pronostiquer tant le taux de participation que la nature du vote exprimé. Reste que le suspense reste total compte tenu de l’ « atomisation » de l’électorat. Première force sociale du pays, la communauté chrétienne paraît divisée. Quel côté pourrait se penser la balance ? Est-ce du côté des laïcs chrétiens d’obédience catholique qui prônent le « Non » ou de la Conférence épiscopale du Congo qui a préféré s’abstenir de toute consigne de vote ? Est-ce du côté des protestants et des organisations politiques et sociales qui ont fait campagne pour le « Oui » ? Prudente, la Commission électorale indépendante a fait savoir qu’elle ne divulguera les premiers résultats partiels que lorsque tous les bureaux de vote auront fermé leurs portes. Soit lundi soir. Les résultats définitifs seraient attendus pour la fin de ce mois. En attendant, à en croire une dépêche de l’AFP, datée de Kinshasa, la plupart des électeurs interrogés ont déclaré s’être prononcés en faveur du projet de Constitution. 

Etat fédéral et unitariste

Au plan politique, dans un communiqué daté mercredi 14 décembre, le leader de l’UDPS, Etienne Tshisekedi a appelé au boycott estimant que « toute autre attitude, dans le contexte actuel, ne pourra que contribuer à la légitimation d’un processus d’un processus non crédible et qui méprise toutes vos revendications légitimes ». Sera-t-il entendu ? L’opinion exprimée par « Tshi-Tshi » est jugée « politiquement suicidaire » par certains observateurs. Un avis que réfutent des analystes. Au motif que les défenseurs du vote positif sont les premiers à reconnaître que ce projet de constitution n’est pas exempt d’« imperfections ».   

« Il appartiendra aux institutions issues des urnes de modifier les articles qui posent problème », entend-on dire. « C’est un marché de dupes. On veut vendre aux Congolais un chat dans un sac », ironise Serge, un étudiant en droit. Intervenant samedi 17 décembre, en français, à l’excellente émission en lingala, animée par Abel Pulusu Omban - sur les ondes de la radio associative bruxelloise « Air Libre-Africa Djama », le vice-président de la CEI, Norbert Kantitima Basengezi – interviewé au téléphone depuis Kinshasa - a confirmé le flou ambiant. Il a invité les électeurs à aller voter au referendum tout en reconnaissant notamment que le texte constitutionnel reste imprécis en matière notamment de la forme de l’Etat. « Le pays était dans le coma. Il est maintenant en convalescence », a-t-il souligné. Et d’ajouter que la RD Congo entend se doter d’une forme de l’Etat qui procède à la fois du fédéralisme et de l’unitarisme. Dans la confusion ambiante, la RTBF-radio parlait, dimanche matin, d’un « Etat fédéral largement décentralisé ». Revenons à l’émission d’ « Africa Djama ». Plusieurs intervenants ont succédé au vice-président de la CEI en clamant haut et fort leur scepticisme face à ce premier scrutin. « La population va voter à l’aveuglette sans avoir pris connaissance du contenu de la Constitution », dit un intervenant. « Le pays s’est engagé sur une voie dangereuse », enchaîne un autre. Plus caricatural, un auditeur s’est fait l’écho des rumeurs faisant état des « urnes préalables remplies et scellées » que le commissaire européen Louis Michel aurait convoyées à Kinshasa. L’ex-chef de la diplomatie belge est considéré, à tort ou à raison, comme le «chef de file» d’une certaine Belgique francophone (et libéral) qui jouerait à fond la carte Joseph Kabila. Une chose est sûre : le référendum électoral du 18 décembre est perçu par de nombreux Congolais comme un véritable « hold-up électoral » organisé dans le seul but de « préparer le terrain » à la  « légitimation » du pouvoir de certains dirigeants en place. Des dirigeants « adulés » en Occident pour leur reptation en dépit de leur impopularité au plan local.

B. Amba Wetshi

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