Presque dix ans après sa disparition, le Maréchal du Zaïre n’arrive toujours pas à jouir du repos et du respect dus aux morts de la part de ceux qui l’ont chassé du pouvoir en mai 1997. Le dictateur, il est vrai, est très loin de constituer un modèle de gestion moderne, transparente et rationnelle de l’Etat.

Mais ses successeurs ont démontré qu’avec Mobutu, on avait pas encore touché le fond et qu’il était toujours possible d’être plus mauvais que lui.

En effet, les tombeurs du Maréchal ont fait preuve de leurs limites dans la conservation de l’intégrité du territoire, le respect des droits et libertés individuelles, la bonne gouvernance et la démocratie.

Tout mauvais qu’il était, Mobutu est parti en laissant au moins derrière lui un pays uni. Avec les premières élections dites démocratiques, libres, transparentes, inclusives depuis plus de 40 ans, apparaissent comme par enchantement un clivage est-ouest, une église catholique de l’est, une de l’ouest, une société civile de l’est et une autre de l’ouest. Dans une indifférence et une insouciance générale, des pans entiers du territoire sont investis par des milices étrangères qui commettent toutes sortes d’exactions sur les populations civiles.

Quand Mobutu laisse derrière lui une dette extérieure de 13 milliards des dollars américains,  les ‘‘libérateurs’’ sont accusés, d’en avoir pillé plus de 5 milliards de 1998 à 2001, par le panel de l’ONU, et 10 milliards par la commission parlementaire Lutundula, du nom de son président passé avec armes et bagages à l’AMP (Alliance de la Majorité Présidentielle) de Joseph Kabila.

Fatigués des contestations des ‘‘braillards’’ de Kinshasa, le Léopard s’était retiré dans son palais de Kawelé et laissait la capitale à l’opposition. Mais avec les nouveaux ‘‘maîtres’’, toute descente dans la rue se paie par au moins une vie humaine.   

Et comme au Congo plus qu’ailleurs le ridicule ne tue pas, tout celui qui dénonce les méfaits des ‘‘libérateurs’’ se fait traiter de mobutiste. A chaque critique de leur bilan, les Kabilistes  ressuscitent Mobutu qui serait le mal absolu. Ils ont d’ailleurs décrété la lutte contre le mobutisme, priorité des priorités.

Alors que Bemba se présente contre eux avec un programme de gouvernement chiffré, une équipe des cadres homogène et soudée, un parcours scolaire et académique ‘‘traçable’’, … pour toute ‘‘arme de guerre’’ au deuxième tour, l’AMP n’a que le qualificatif mobutiste à coller à Bemba. Mais l’étiquette a du mal à prendre au Chairman dans la mesure où Nzanga Mobutu, se déclare détenteur exclusif de l’héritage de son père.

Au Congo, l’absurde et l’irrationnel ont la vie dure et peuvent toujours faire juger le bilan de Mobutu plus catastrophique que celui des Kabila et Bemba plus mobutiste que Samba Kaputo, Sakombi Inongo, Justin Bomboko, Kithima Bin Ramazani, Sekimonyo, Banza Mukalay, Koyagalio,…

Mobutu et ses lieutenants, si hideux aux yeux des Kabilsites, deviennent tout d’un coup tous beaux, tous saints, quand il s’agit d’asseoir un pouvoir nébuleux et grappiller quelques voix hypothétiques.

Anthony Katombe