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Prince du Fleuve Congo
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7 avril 2006

Déclaration de Mme Odette Babandoa

Conférence de presse du 06 avril 2006

Comme chacun de vous le sait certainement, notre pays souffre. Chaque congolais le vit quotidiennement et le ressent si profondément dans sa chair que point n’est besoin qu’en ce lieu et à cette occasion, je vous retienne encore pour une quelconque démonstration à ce sujet. Il est tout aussi notoire que ce mal si profond et si dévastateur pour notre Pays ne procède de rien d’autre que du manque d’un réel idéal national. Cette défaillance a caractérisé la gestion du pays depuis son accession à l’indépendance et s’est amplifié d’année en année au point que ce beau Pays à nous légué par nos ancêtres en est arrivé aujourd’hui à toucher le fond de l’abîme, et à atteindre les sommets de l’humiliation dans le concert des nations.

C’est vraiment peu de dire que cet état des choses révolte. C’est d’autant plus révoltant, en effet, qu’il est admis de tous que le sort actuel du Congo est pour l’essentiel le résultat dune manière de gérer le Pays qui ne tient pas beaucoup compte de l’intérêt national mais érige plutôt en méthode de gestion toutes les astuces, toutes les combines possibles et susceptibles de servir les appétits égoïstes des individus ou groupes d’individus nationaux ou étrangers occupés depuis si longtemps à pêcher en eau trouble.

Nous sommes donc convaincus que pour changer la face actuelle du Congo, il faut rompre avec la manière dont les différents pouvoirs successifs ont géré la chose publique. Gouverner autrement pour arrêter la descente aux enfers de ce pays qui compte non seulement pour les Congolais mais aussi pour le monde entier, vu sa position stratégique au cœur de l’Afrique et surtout ses grandes dimensions géographiques ainsi que ses immenses ressources en tous genres.

Au regard de cette situation catastrophique, le processus de transition en cours, surtout les élections générales qui sont en voie d’être organisées dans le Pays, auraient dû être salués comme le début de la fin des tourments des populations congolaises.

Hélas, force est de constater qu’à la veille de cette grande consultation populaire, l’inquiétude grandit au sein de la population et de la classe politique au sujet des conditions dans lesquelles sont organisées ces élections et surtout d’incalculables conséquences que l’on entrevoit déjà au  bout d’une transition aussi chaotique.

En tant que leader d’opinion ayant des responsabilités pour l’encadrement de nos populations et l’éveil des consciences dans l’opinion nationale sur tout ce qui touche à la gestion de la chose publique, nous ne pouvons pas nous taire lorsque la nation est en péril.

Les Congolais doivent connaître les dangers qui les guettent et qui sont presque programmés par ce processus électoral vicié. Les seigneurs de guerre actuellement au pouvoir ainsi que les membres de la Communauté Internationale qui les portent à bout de bras doivent savoir pourquoi et comment ils sont entrain de prendre une responsabilité historique de détruire ce Pays. Une responsabilité dont il faudra certainement qu’ils répondent un jour, d’une manière ou d’une autre. On ne peut pas, en effet, tromper tout le peuple tout le temps.

C’est depuis le début de la Transition que nous n’avons  cessé de dénoncer l’exclusion, la gabegie, l’impunité et l’amateurisme qui caractérisent la coalition armée au pouvoir. Cette dernière est restée insensible devant les multiples appels à la raison, voire des cris de détresse émanant de notre peuple en souffrance et de la frange de la classe politique non armée.

« Un sac vide ne  tient pas debout », dit un proverbe africain. Ce qui a été mal conçu et mal commencé ne peut que mal finir. Les élections devaient être le couronnement d’une longue transition censée sortir le Congo des décennies des déchirements sans nom. Elles risquent malheureusement d’être plutôt le couronnement de l’échec d’une politique égocentrique, maladroite et imprudemment obstinée dans la gaffe, le pillage et l’exclusion.

Tout le peuple congolais est témoin de ce que les préalables indispensables que le gouvernement devait réaliser pour une fin heureuse de la Transition n’ont pas été accomplis jusqu’à ce jour.  Nous pensons ici particulièrement à la pacification du Pays, le brassage des armées et des forces de sécurité, la démobilisation des éléments incontrôlés. Les quelques actions menées l’ont été à un niveau si faible que l’effet escompté est souvent contraire.

Que des dissidences armées, que de désertions, même dans les rangs des éléments soi disant déjà brassés, des détournements des soldes des militaires, j’en  passe, et de meilleurs. Dans ces conditions, où est la liberté qu’ont les éventuels candidats de battre campagne sur tout le territoire national ? Observez seulement l’armada avec laquelle se déplacent les belligérants au pouvoir lorsqu’ils vont à l’arrière Pays pour leur propagande pré électorale, souvent déguisée en mission officielle, et bien évidemment effectuée au frais de l’Etat.

Nous avons vu comment l’enrôlement des électeurs s’est effectué de manière bâclée. Conséquence, des millions d’électeurs potentiels sont mis en marge du processus électoral parce que les maîtres du Congo d’aujourd’hui l’auront voulu ainsi. Ne nous ont-ils pas démontré à maintes reprises qu’à leurs yeux tout doit s’arrêter là où s’arrêtent leurs seuls intérêts ?

L’organisation du référendum constitutionnel n’a pas été différente. Tout s’est déroulé dans la confusion quant au fond et à la forme. Vous êtes sans ignorer que trois versions différentes du projet de constitution ont été mises en  circulation par les instances officielles. Vous avez bien vu également que la vulgarisation nécessaire et légalement préalable au scrutin n’a pas eu lieu. La majorité des votants sont allés aux urnes sans avoir jamais vu le texte sur lequel ils devaient se prononcer. Pendant ce temps tous les moyens médiatiques officiels, voire le CIAT, ne battaient campagne que pour le OUI. Et le OUI l’emporta très largement après un dépouillement qui aura duré un mois sous l’ombre suspecte de la Commission Electorale dite Indépendante.

Aujourd’hui la loi électorale et le calendrier électoral viennent d’être publiés. Les mêmes causes mues par les mêmes personnes, pour ne pas dire les mêmes intérêts, produiront  les mêmes effets.

Ainsi parmi les critères d’éligibilité, Cette loi a évacué le niveau d’études et l’expérience indispensable pour prétendre assumer des charges publiques au sommet. Par contre, la loi ne se gêne pas de conditionner le dépôt des candidatures au paiement d’une caution non remboursable de 50.000 dollars américains pour les candidats Président de la République, et de 250 dollars américains pour les candidats députés ou sénateurs. Alors quel est le sens du progrès et du rêve que l’on veut donner à notre société ? 

Et l’argument le plus important retenu pour ne pas exiger du candidat Président de la République un niveau d’études minimum est que ce critère est un critère d’exclusion. En d’autres termes, la loi électorale a jeté l’opprobre sur la connaissance et le savoir en tant que soubassement de l’action politique. Que nous sert-il d’envoyer nos enfants à l’école si notre propre société décrète par avance que l’école ne sert à rien. Toute honte bue, des professeurs d’université se sont égosillés du haut de la tribune du Parlement pour soutenir ce critère qui est la négation même de leur propre existence en tant que maîtres du savoir. De façon maladroite, d’aucuns ont pensé qu’en refusant d’inscrire le niveau d’études dans le critérium, ils conjuraient les démons de la mauvaise gestion passée parce qu’ayant été l’œuvre de plusieurs intellectuels.

Cette façon de voir les choses est dangereuse. Il n’y a que l’intelligence pour corriger l’intelligence. L’ignorance ne peut pas être un remède à la connaissance. Même là où l’on a choisi d’avancer par essai et erreur, ce choix là est toujours pensé.

Diriger un Etat moderne requiert un faisceau de connaissances que ne procure pas la magie nègre de l’émotion. Même au siècle dernier, dans un contexte mondial bipolarisé entre l’Est et l’Ouest, personne n’a jamais pensé que la survie des « guides éclairés » passait par la négation de l’école, de l’intelligence et de la connaissance. Le véritable crime contre l’humanité dont sera accusé le régime 1+4 n’est pas tant d’avoir abrité en son sein les auteurs de la mort de plus de 4 millions de nos compatriotes mais d’avoir voué tout un Etat aux gémonies de l’ignorance et de l’obscurantisme. Un des meilleurs ambassadeurs de notre culture, artiste de son état, Koffi Olomide, pour ne pas le citer, n’a-t-il pas dit : « kozanga koyeba eza liwa ya ndambu » (ne pas savoir est une demi mort, ou l’ignorance est une quasi mort ». L’histoire des nations ne nous a pas encore montré un seul pays au monde qui s’est développé avec des analphabètes. Il n’y a pas meilleure industrie d’analphabètes que le refus de l’instruction. Grand penseur chinois avant notre ère, Kong Fou Tseu bien connu sous le nom de Confucius, disait « si vous faites des plans pour un an, plantez une graine ; pour dix ans, plantez un arbre ; pour cent ans, enseignez au peuple ».

Mesdames et Messieurs,

Il y a comme une conspiration contre notre pays et son élite d’autant plus que ce critère infamant est couplé de cet autre plus infamant encore, à savoir le volume du portefeuille du candidat Président de la République. En effet tout candidat à la magistrature suprême devra payer une caution non remboursable de 50.000 dollars. Et les défenseurs de cette infamie soutiennent, pince sans rire, que c’est pour décourager ceux qui auraient l’intention de s’enrichir au pouvoir, en les traitant même de Farfelu par un des gestionnaires de la transition sur la chaîne de radio RFI,  qu’il faut maintenir ce critère. Il faut convenir avec moi que ceci est simplement une prime à la prédation à ceux qui exercent aujourd’hui le pouvoir d’Etat. Ceux qui recherchent un critère d’exclusion en ont là un de plus parfait.

Dans un pays où un foyer vit avec moins de 1 $ par jour, où le militaire touche 5.000 FC le mois, le médecin 100 à 200 $ par mois, le professeur d’université moins de 500 $, n’est-ce pas instaurer une démocratie censitaire que d’imposer une loi qui fonde le sérieux du candidat sur le volume de son portefeuille ? Pour caricaturer, On aurait dit : abandonnez les chemins de la connaissance et de la maîtrise des grands enjeux du monde d’aujourd’hui, vous ne perdrez rien si vous pouvez vous remplir les poches de quelque manière que ce soit, même en vous faisant valet tout simplement des pilleurs de la République. Les listes des candidats aux prochaines échéances électorales par rapport à leurs partis politiques en témoignent éloquemment.  Et Dieu seul sait comment nombre des tenants du paiement de la caution ont accédé à la fortune. En effet, étant donné que nous connaissons le niveau de leurs rémunérations officielles, qui des tenants du pouvoir actuel peut justifier devant le peuple les fortunes qu’ils affichent aujourd’hui ? Combien avaient-t-ils en compte lorsqu’ils s’engageaient dans l’aventure guerrière financée par l’étranger et qui a arraché à la vie plus de quatre millions de congolais, sans compter toute la misère induite qui afflige toutes nos populations ?

Au vu de toutes ces anomalies que nous relevons, tout observateur ou analyste sérieux doit douter de la viabilité et de la fiabilité d’un processus qui s’apparente au mieux à un hold-up, au pire à une vaste conspiration destinée à faire main basse sur le Congo par le biais d’une démocratie de pacotille.

Ce processus use de mille et un artifices pour exclure les leaders qui dérangent. Il veut imposer des dirigeants qui ne seraient dans la meilleur des hypothèses que des fondés de pouvoir d’une certaine communauté internationale et des gardiens fidèles des intérêts des pourvoyeurs des fonds.

Tout le monde en convient, le Congo est aujourd’hui à un tournant décisif de son histoire et doit répondre aux exigences d’ordre interne et international. Pour cela il a besoin des hommes et des femmes de grande valeur,  avec une grande ouverture d’esprit, des personnes  capables de contrer les obstacles de tout genre qui jalonnent notre chemin vers l’émancipation et le développement.

Malheureusement le contexte actuel imposé par les seigneurs de guerre et leurs maîtres occidentaux laisse très peu de place à l’avènement de tels leaders. La politique dans notre pays prend des contours si irréels qu’elle tend à se confondre à un vaste théâtre  Le Pays est au contraire sacrifié à l’autel des intérêts égoïstes et précipité vers des lendemains de tous les dangers. A cette allure, on est presque sûr que le Congo sera avalé et l’avenir des générations futures compromis. Nous risquons de nous le réaliser seulement tard lorsque la banquise aura craquée de toute part, que les eaux auront coulé sous le pont et que des digues ne seront plus capables de retenir les eaux déferlantes.

C’est pourquoi, pour nous, la politique ayant ses exigences, nous avons estimé que nous devions compter avec le temps dans la vérité et la constance pour que  la nature nous donne raison un jour.

Comme toute société, le Congo a besoin des hommes et des femmes repères, des leaders visionnaires, des personnes auxquelles on  peut se référer au moment de grandes crises, c’est à dire au moment où la société a tendance à se perdre. Nous avons estimé que nous pouvons compter parmi ces personnes, et nous avons préféré, ce, contre notre gré et notre désir ardent à conquérir et à exercer démocratiquement le pouvoir, ne pas diluer notre combat dans un processus vicié d’avance, ne promettant pas de lendemain meilleur au peuple congolais et dont les résultats peuvent être frappés de nullité, du fait de l’inconstitutionnalité des certaines dispositions de la loi qui organise ces élections.

Ainsi devant l’absence de la pacification de l’ensemble de l’étendue de notre pays, de l’unification et de brassage des armées, de désarmement et de démobilisation des éléments incontrôlés, de la réconciliation effective de l’ensemble de la classe politique congolaise, avec une commission électorale constituée des composantes de Sun city uniquement et une population paupérisée à souhait, ces élections ne seront qu’une leurre. Pourtant tous ces problèmes auraient pu trouver d’issue autour d’une table avec l’ensemble des politiciens congolais.

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