D'Alphonse à Etienne
Chers amis,
Faisant suite à la lettre de Philippe, je viens, à mon tour, d'écrire une lettre
au Dr Etienne Tshisekedi pour lui exprimer ma solidarité en tant que fils du
pays qui attend beaucoup d'un changement radical dans la direction de la "Chose
Publique". En voici la teneur :
Excellence Etienne Tshisekedi,
En âme et conscience, j’aimerais vous adresser cette lettre ultime, en écho à
celles de mon frère et ami Philippe Liondjo qui, de la lointaine Suisse, nous a
donné l’exemple combien encourageant d’un patriotisme actif.
Chaque jour, depuis le 10 mars, lorsque je monte dans le bus, la déception que
j’entends les gens débiter sur le sort de notre pays avec votre refus de
déposer votre candidature, m’incite à vous réitérer la demande pressante
d’accepter de vous présenter aux bureaux d’enrôlement des candidats.
Les arguments juridiques évoqués pour justifier votre non-implication au
processus en cours qui a déraillé cèdent le pas devant l’entêtement des
jusqu’au-boutistes en face desquels nous nous trouvons.
Antoine Gizenga a pris le courage de dénoncer le caractère anti-constitutionnel
de la caution non-remboursable exigée par la CEI. Je vis dans le pays et je
sais que 50.000 $ ne courent pas les rues. Pas plus que les 110.000 FC exigés
aux députés nationaux. A cette allure, seuls les nantis – dont pour la plupart,
des magouilleurs des défunts régimes qui ont dirigé le pays – pourraient se
présenter.
Il serait plus juste de vous présenter la tête haute et déposer un dossier
complet où il ne manquerait que le seul reçu de ce montant et expliquer tout
haut que ce montant est une tricherie pour éliminer une grande portion de fils
méritants de postuler. Combien de Congolais peuvent justifier d’une épargne de
50.000 $ ? Quel parti peut exhiber des reçus de ses contribuables de l’ordre de
ce montant ?
Cela veut dire en clair que tous ceux qui sortiront ce montant l’ont obtenu par
des efforts personnels hors de commun (les détournements y compris). Et quand
bien même vous auriez ce montant, n’oubliez pas de faire mention de cette grave
injustice que le législateur a délibérément commise à l’endroit de notre
peuple.
Dans son désarroi, le peuple redoute de se retrouver sans leader au cas où vous
laissiez libre cours à ces prédateurs. Pour avoir rempli leurs poches des fonds
extorqués à la communauté internationale à titre de rémunération pour de longs
mois d’inactivité, les voici bourrés de sous à dilapider pour leur campagne
qu’ils sont sûrs de remporter puisqu’ils seraient les seuls à se présenter en
compétition.
Comprenez que le combat n’aura pas lieu, faute de combattants. Certains peuvent
se jeter dans la marre en versant cette caution. Il s’agit parfois de candidat
aux allures si limitées que la coterie d’en face – leur vrai mandant -
l’emportera. C’est comme s’il s’agit d’un trompe-l’œil pour crédibiliser le
processus. On criera vite que le scrutin a été bien organisé puisqu’il y avait
des candidats alors qu’en réalité les dessous des cartes ont consisté à
avaliser une thèse. On connaît ce jeu avec des « pasteurs » qui distribuent des
devises aux membres de leurs familles pour les récupérer lors de la quête de
l’offrande afin de stimuler les autres à suivre l’exemple.
Puisqu’on a déjà des candidats enregistrés, Dr Etienne, prenez votre courage à
deux mains et présentez vos dossiers. Peu importe les railleries de ceux qui
pensent que vous manquez d’argent pour cette formalité. Si c’est la seule
formalité, je prends la communauté internationale à témoin : elle jugera de la
validité ou non de cette seule formalité. Mais au moins, elle aura évalué le
degré de votre engagement pour la cause du pays.
Sans avoir jamais appartenu à votre parti, je sais que ce dernier est capable de
réunir cette somme, si d’aventure elle constituait un obstacle majeur à votre
candidature. Toutes les autres exigences disparaîtront avec votre seule
présence au milieu du village comme rassembleur. Car tous ces trouble-fête
s’amusent tant qu’ils ne voient personne lever le petit doigt pour défendre la
cause du peuple.
Tous ces remue-ménage dans l’espace présidentiel, autant qu’au sein des partis
et institutions de la transition ne visent qu’à brouiller notre attention pour
nous détourner de l’essentiel. Une fois le temps consommé, nous risquons de
retrouver à la veille du 23 mars et le désormais célèbre président de la CEI
n’hésitera pas de venir nous afficher son sourire moqueur et la rigueur de la
loi ; oubliant que le Christ qu’il sert a clamé tout : le sabbat est fait pour
l’homme et non l’homme pour le sabbat.
L’objet de ma lettre est donc de vous supplier pour le dépôt, toutes affaires
cessantes, de votre candidature et non de nous désigner un dauphin qui ne
jouirait pas d’autant de crédibilité que vous auprès même des adversaires. On a
vu des joueurs distraits sur le terrain puisque fascinés par le beau jeu de
leurs adversaires, ils en oublié leur propre camp. Vous êtes de ces meilleurs
joueurs capables d’attirer les voix et les applaudissements même de vos
adversaires.
Bon courage !
Alphonse-Marie Bitulu
Kinshasa