LETTRE DE L’ABBE PAUL IWANGA AUX INTELLECTUELS CONGOLAIS
La situation socio-politique et économique qui prévaut aujourd'hui dans notre pays est plus que mauvaise. Il nous semble que les intellectuels congolais ne peuvent pas rester insensibles à cette situation générée autant par l'aventurisme politique que par l'insouciance de nos politiciens, particulièrement des animateurs du gouvernement de transition en cours en République démocratique du Congo. On peut considérer aujourd’hui que, dès le départ, la formation du gouvernement congolais à la formule 1+4 ne pouvait que conduire au suicide de l’Etat congolais. En effet, au nom de la réconciliation et de la protection de certains individus coupables des crimes de toutes sortes, la tendance générale des partenaires internationaux du Congo fut de mettre les belligérants autour d’une même table et d’envisager ce gouvernement à l’architecture lourde, sans tenir compte d'efficacité et de compétence. Il ne fallait certainement pas attendre deux ans pour prendre acte de l’incapacité notoire de ces nouveaux venus sur la scène politique congolaise à gérer la chose publique. D’entrée de jeu, l’impunité et les identités controversées de certains membres de l’espace présidentielle, l’amateurisme et l’aventurisme politique de certains d'entre eux, la ruée vers l’argent facile et leur recherche du pouvoir pour le pouvoir ne pouvaient que constituer un obstacle majeur pour l’avènement d’un Congo nouveau, c’est-à-dire d’un Etat de droit. Tout se passe comme si le partage du « gâteau », objectif premier de la première guerre dite de libération et de celles qui ont suivi a accaparé toute l’énergie de ces responsables. Il y a en réalité une sorte d’entente tacite entre ces responsables politiques qui, sous prétexte de concorde et de désir de paix, s’accordent pour saboter les vrais et véritables objectifs de la transition, notamment la préparation du cadre d’un Etat de droit, la mise en place d’une réelle administration, la préparation et la tenue des élections, le brassage et l’unification de l’armée. Malheureusement, aucune évaluation sérieuse n’a été faite pour faire comprendre au peuple congolais les raisons du non respect de ces objectifs assignés au gouvernement par les accords de Pretoria. Ceci donne simplement l’impression que ce peuple est mis sous tutelle de ses dirigeants qui préfèrent asseoir leur pouvoir sur les cadavres des congolais qui meurent chaque jour de faim, des maladies et des balles de leurs milices respectives. Et qui plus est, aucune sanction n’a été envisagée à l’encontre de ceux qui bloquent délibérément ce processus de transition politique alors que notre peuple y avait fondé tous ses espoirs pour une vie meilleure. Tout porte à croire que l’axiome de jouissance dont nos politiciens font montre les empêche d’engager un exercice aussi important que l'évaluation dans la gestion de la chose publique. Passant outre les objectifs assignés à ce gouvernement, ceux-ci, deux ans après la mise en route du processus de transition, n’ont pas pu être à la hauteur des enjeux d’un vrai gouvernement de transition. Sous d’autres cieux, c’est-à-dire là où il il existe une véritable éthique politique, cela devrait les pousser à la démission. Mais nous sommes en Afrique. La volonté populaire exprimée le 30 juin dernier par les congolais tant du pays que de l’étranger non seulement confirme ce constat, mais montre aussi l’essoufflement de cette formule pis-aller 1+4. Cette volonté populaire traduit aussi la nécessité de repenser une nouvelle structure de dialogue qui puisse conduire à l’émergence des nouvelles personnalités plus convaincantes, par leur formation, leur expérience politique et leur probité, c’est-à-dire des personnalités susceptibles d’avoir la confiance populaire. Il s’agit en quelque sorte d’éclater cette sorte de démocratie à l’entonnoir où on retrouve dans l’espace politique des politiciens bricolés, sans aucune éthique politique et des guerriers qui subsistent grâce à leurs milices, toujours entretenues à dessein. Une question s’impose ici : comment venir à bout de toutes les cacophonies créées par la structure 1+4 dans notre pays ? Aussi, on peut envisager le maintien du gouvernement actuel à condition qu’il donne des garanties de la tenue rapide des élections. Dans ces cas, il serait indiqué que les actuels animateurs de ce gouvernement ne se représentent pas à ces élections, non seulement parce qu’ils ont démontré leur incapacité à gérer correctement l’Etat, mais aussi parce que l’élection de l’un d’entre eux pourrait donner l’occasion aux autres de reprendre les armes, surtout que tout le monde sait que ces derniers ne désirent pas les élections.Le flou juridique et politique qui règne actuellement au Congo les arrange bien. C’est pourquoi, nous invitons les intellectuels congolais, les associations de la société civile et tous ceux qui s’intéressent à l’avenir du Congo de sensibiliser le peuple pour barrer la route aux animateurs de 1+4. A défaut de trouver un candidat de la société civile, on pourrait à la limite opter pour des politiciens qui ne sont pas partie prenante dans ce gouvernement de transition. C’est une voix de sagesse. Ne croisons pas les bras, ne soyons pas complices des fossoyeurs de notre pays. A côté de tout cela, il semble que la formation et l’unification de l’armée pourraient constituer un point de départ significatif auquel doit s’atteler la communauté international. C’est à cette condition que la paix sociale et civile sera possible et que les élections démocratiques deviendront le lieu du partage du pouvoir. Abbé Paul Iwanga
Par ailleurs, ils se sont engagés résolument, comme il est de coutume en Afrique, dans un mécanisme de conservation du pouvoir à tout prix, usant de la force et de tous les stratagèmes. De ce point de vue et guidés par l’axiome de la jouissance, ils ont étalé non seulement une faille, mais aussi la faillite même de la notion d’Etat chez nous au point que notre Etat n'est plus gouverneé aujourd'hui et est essoufflé. Cet essoufflement est dû non seulement à la mauvaise foi, mais surtout à l’incompétence avérée et à la cécité politique des animateurs de la transition, surtout qu’ils sont mus par des intérêts partisans.
Dans ce contexte de l’accaparement de l’espace politique congolais, des personnalités plus convaincantes se sentent écartées, le pouvoir au Congo étant devenu la chasse gardée de cinq personnes ayant pourtant des intérêts divergents.
Nous pensons que l’on pourrait envisager plusieurs alternatives, notamment une mobilisation populaire comme celle qui était escomptée pour le 30 juin, une mobilisation populaire bien pensée et bien organisée qui mettrait fin à l’aventurisme politique congolais incarné par l’actuel gouvernement de transition. Dans ce cas, on le sait, l’impréparation et l’incurie de la classe politique congolaise créerait un imbroglio qui conduirait au chaos. La deuxième alternative consisterait à remodeler le gouvernement de transition à la structure classique, c’est-à-dire avec un président et un premier ministre. Ce gouvernement pourrait même être composé des technocrates (puisqu’il y en a) ou des fonctionnaires de l’Etat comme les secrétaires généraux de l’administration publique. Evidemment, un tel gouvernement peut être fragilisé par les querelles politiques habituelles, à condition d’être protégé par une structure internationale, la Monuc notamment.
Ne faut-il pas rappeler que la compétence de la démocratie appartient à la société civile ? Elle n’est certainement pas le fait des milices ou des groupes politico -mafieux comme on tente de nous le faire croire au congo. Dans cette perspective et à cause de la paupérisation généralisée dans le pays, nous craignons que le peuple n’accorde son suffrage à des gens qui ne répondent pas au profil d’un homme d’Etat, mais qui sont capables d’acheter le suffrage du fait de leur argent. C’est pourquoi, nous lançons une invitation aux intellectuels congolais, associations et aux églises de sensibiliser le peuple à cette problématique.
Membre du FRAC(Forum de Réflexion pour l'Avenir du Congo)